LA SOCIETE CIVILE DEVANT L'INSOUMISSION ET LA DÃSERTION
A L'ÃPOQUE DE LA CONSCRIPTION MILITAIRE
(1798-1814) D'APRÃS LA CORRESPONDANCE DU MINISTRE DE L'INTÃRIEUR
par Jean WAQUET
A partir de la loi sur la première réquisition du 23 août 1793 et jusqu'à la chute de l'Empire, on peut dire que le problème des effectifs militaires s'est posé à la France d'une façon critique. Non que les contingents requis aient toujours atteint un taux considérable : le Consulat donne à cet égard l'exemple de la mesure. Mais la systématisation des appels « forcés », à partir de la loi du 19 fructidor an VI instituant la conscription, les inégalités de fait ou de droit, la durée généralement illimitée du séjour sous les drapeaux liée à l'emploi du soldat dans des guerres sans cesse renouvelées eurent ce résultat que, pour chaque famille et pour le pays tout entier, le service aux armées, que l'on n'avait pas encore connu si lourd, fut péniblement ressenti comme un poids insolite et anormal auquel on chercha souvent à se soustraire ou à soustraire les siens. De là l'insoumission avant l'incorporation dans une formation militaire, souvent sanctionnée par un jugement qui faisait du conscrit un « réfractaire », et la fuite du soldat régulièrement incorporé qui devenait un déserteur1.
1. Les mots insoumis et déserteur ne paraissent pas avoir toujours dans les documents un sens très strict ou très permanent alors que celui de réfractaire paraît garder de façon générale le sens étroit que nous lui assignons.
Il y avait bien d'autres façons que la fuite ou la clandestinité, pratiques les